Sur la scène internationale : Une entrevue avec la Coalition internationale des sites de conscience

//Sur la scène internationale : Une entrevue avec la Coalition internationale des sites de conscience

Sur la scène internationale : Une entrevue avec la Coalition internationale des sites de conscience

Cet article a été publié dans le bulletin électronique de ICOM Canada de septembre 2019 sur la diplomatie culturelle. Voir plus d’articles de ce numéro ici.

Ben Fast (Alberta Museums Association; ICOM Canada)

Dans chaque numéro du bulletin électronique, nous présenterons une rubrique « Sur la scène internationale » dans laquelle nous mettrons en valeur le travail d’un comité de l’ICOM, d’un musée international, d’une organisation partenaire ou d’autre autre organisme connexe qui exerce des activités dans le domaine du thème de notre bulletin.

Pour le présent numéro, Ben Fast, coordonnateur du contenu numérique et de la diffusion d’ICOM Canada, s’est entretenu avec Dina Baily (directrice de la méthodologie et de la pratique), Linda Norris (directrice du programme des réseaux mondiaux) et Sarah Pharaon (directrice principale et la méthodologie et de la pratique) pour en savoir davantage sur le travail de diplomatie culturelle effectué par la Coalition internationale des sites de conscience qui est établie aux États-Unis, et sur le travail effectué par l’entremise de cette Coalition.

BF : Qu’est-ce que la Coalition internationale des sites de conscience (CISC)?

SP : La Coalition internationale des sites de conscience (CISC) est un réseau mondial de sites, de musées et d’initiatives de commémoration consacrés au souvenir des luttes passées et à leur héritage contemporain. Les sites de conscience, comme le Lower East Side Tenement Museum aux États-Unis, le Gulag Museum à Perm-36 en Russie et le District Six Museum en Afrique du Sud, activent le pouvoir des lieux de mémoire pour promouvoir une compréhension profonde du passé et construire un avenir juste. La Coalition appuie ses membres de plusieurs manières et notamment : par le financement de programmes d’engagement civique; la mise en réseau de sites similaires, ce qui aide les membres à établir de bonnes pratiques et de nouveaux partenariats; l’organisation d’occasions de leadership et de développement de programmes; l’offre de formations; et la fourniture d’un plaidoyer stratégique pour les membres individuels et le mouvement des sites de conscience dans son ensemble. La Coalition comprend plus de 275 membres dans plus de 66 pays.

BF : La CISC effectue beaucoup de travail avec des organisations et des musées établis dans différents pays et qui traitent de questions qui traversent les frontières. Comment la CISC navigue-t-elle dans ces différents secteurs et comment son travail contribue-t-il à l’idée de diplomatie culturelle?  

LN : Un aspect essentiel de notre travail est la capacité d’écoute, particulièrement à l’égard des victimes, des survivants et des intervenants. Nous constatons que les sites de conscience désirent apprendre les uns des autres et sont avides de naviguer à travers les différences. Par exemple, l’automne dernier, nous avons organisé un webinaire qui a réuni des femmes survivantes de conflits au Sri Lanka et au Népal pour qu’elles discutent de leurs expériences. Malgré les défis de la technologie et de la langue, ces femmes ont plongé profondément dans leurs réflexions personnelles et leurs inquiétudes communes par rapport à la justice. La compréhension mutuelle commence au niveau individuel, d’une personne à une autre. Les sites de conscience rendent possible ce dialogue entre deux personnes – et ce sont ces conversations et ces réflexions qui commencent à bâtir la confiance entre des nations, des organisations, des ethnies, des religions et les sexes.

BF : La CISC relie « les luttes passées aux mouvements d’aujourd’hui en faveur des droits de la personne » en « [transformant] la mémoire en action ». À quoi ressemble cette action pour les musées et pourquoi est-ce une initiative importante?

LN : Au moment où j’écris ceci, les membres de l’ICOM se préparent à voter sur une nouvelle définition du musée qui aura des incidences mondiales. Cette définition rend explicite l’importance d’établir un lien entre les musées et les droits de la personne. Les musées sont des lieux de démocratisation inclusifs et polyphoniques, dédiés au dialogue critique sur les passés et les futurs. Conscients des conflits et des défis du présent et les prenant en compte, ils sont les dépositaires d’artefacts et de spécimens pour la société. Ils sauvegardent des mémoires diverses pour les générations futures et garantissent l’égalité des droits et l’égalité d’accès au patrimoine pour tous les peuples. [emphase ajoutée]

La définition du musée proposée par l’ICOM comprend l’énoncé suivant :

[Les musées] sont participatifs et transparents, et travaillent en collaboration active avec et pour diverses communautés afin de collecter, préserver, étudier, interpréter, exposer et améliorer les compréhensions du monde, dans le but de contribuer à la dignité humaine et à la justice sociale, à l’égalité mondiale et au bien-être planétaire. [emphase ajoutée]

À quoi ressemble cette action? Bien des membres accordent une grande importance à la mobilisation des jeunes pour assurer un avenir plus juste. Au musée Constitution Hill, en Afrique du Sud – sur le site d’une ancienne prison qui abrite maintenant la plus haute Cour du pays – les programmes scolaires visent à faire de la Constitution un document vivant et vital qui donne aux étudiants les outils leur permettant d’incarner les valeurs de la constitution. La Red Star Line à Antwerp, en Belgique, a été le point de départ pour des millions d’Européens qui ont immigré aux États-Unis et au Canada. Aujourd’hui, toutefois, cette ville abrite des migrants et des réfugiés de partout dans le monde. L’autobus des histoires de la Red Star Line du musée a rassemblé des histoires de migration actuelles de personnes qui ont emménagé à Antwerp et en sont devenues des résidentes. La création de ce lien entre différentes générations (et directions) d’immigrants est une autre façon de transformer la mémoire en action.

BF : Vous coordonnez une série de réseaux régionaux autour du globe. Comment ces réseaux diffèrent-ils les uns des autres et diffèrent-ils des autres projets de la CISC? Pourquoi les réseaux régionaux sont-ils importants pour la réussite de cette coalition?

LN : Nous travaillons tant au niveau régional qu’interrégional. Les réseaux régionaux servent à plusieurs fins : ils réunissent des membres qui ont souvent des histoires ou des intérêts communs. Ils nous permettent d’établir plus économiquement des liens entre les membres pour des réunions en personne, ce qui a permis aux membres de forger des liens solides de soutien les uns pour les autres au fil des ans. Par exemple, bien des membres du réseau de l’Amérique latine et des Caraïbes traitent explicitement de l’histoire et de l’héritage des dictatures dans la région. Au fur et à mesure que les réseaux régionaux – et l’effectif de la Coalition dans son ensemble – croissent et s’étendent, nous trouvons de nouveaux domaines d’intérêt dans chaque région et, de plus en plus, des intérêts transversaux. Ces intérêts transversaux portent notamment sur des questions ayant trait aux femmes et au genre, au commerce transatlantique des esclaves, à la décolonisation, à la migration et aux vagues de xénophobie croissantes. Notre capacité d’établir des liens à l’échelle mondiale – et concrètement, de renforcer les capacités, de partager des ressources et de soutenir des projets – est ce qui a contribué à bâtir un réseau solide et durable, à nul autre pareil.

BF : Nombre de vos membres traitent d’une histoire difficile, politiquement sensible et chargée d’émotions. Comment aidez-vous ces membres à naviguer dans des sujets et des contextes aussi difficiles?  

DB : Lorsque nous examinons ces histoires, nous encourageons d’abord nos membres à réfléchir aux raisons pour lesquelles ils trouvent, eux et les autres, ces histoires difficiles, politiquement sensibles et chargées d’émotions. Pour pouvoir apporter des solutions, nous devons définir clairement les défis. De plus, nous reconnaissons que les défis ont souvent diverses couches de complexité qui font intervenir la race, le sexe, la classe, le pouvoir, la violence, etc. Alors, nous aidons nos membres à prendre davantage conscience de ces couches et de ce qu’ils apportent, eux et les visiteurs, dans l’espace dans lequel ces sujets sont abordés. Ainsi, nous renforçons les connaissances et nous favorisons l’empathie. Finalement, nous encourageons l’action – tant de la part du membre que de celle du visiteur.

Maintenant que nous sommes mieux sensibilisés, que nous sommes plus enclins à l’empathie et plus consciencieusement en mesure de rencontrer les gens où ils sont, nous travaillons avec les membres sur des stratégies visant à offrir un soutien percutant aux visiteurs qui veulent passer à l’étape suivante de leur parcours de connaissances, d’empathie et d’action. Les sites de conscience personnalisent un certain nombre d’offres y compris, sans s’y limiter, en matière de : formation au dialogue, formation sur des préjugés implicites, formation sur l’engagement des communautés, évaluation de l’inclusion organisationnelle, dialogues ou histoires difficiles, planification stratégique, diversité et activation de l’inclusion, planification interprétative, consultation en matière d’exposition, commémoration axée sur la communauté et pratique créative. Pour un supplément d’information, visitez le https://www.sitesofconscience.org/fr/formation-et-pratiques-exemplaires-2/.

BF : Comment les musées canadiens peuvent-ils participer au travail de la CISC et apporter leur expertise à la communauté internationale?   

SP : Nous avons la chance de compter un certain nombre de musées et de lieux de mémoire canadiens parmi nos membres (Musée canadien des droits de la personne, Musée canadien de l’immigration du quai 21, Carlisle Indian School Farmhouse Coalition, Shingwauk Residential Schools Centre, Université Algoma) et nous avons eu l’occasion de collaborer avec l’Association des musées de l’Ontario et celle de la Saskatchewan. De plus, nous présenterons une allocution principale lors de l’assemblée annuelle 2019 d’Interpretation Canada. Nous venons tout juste de terminer notre première année de collaboration avec Parcs Canada après avoir tenu cinq ateliers régionaux sur l’interprétation dialogique. Les membres des sites de conscience s’investissent dans la création d’une communauté de pratique mondiale et dans le partage des compétences et de l’expertise dans le domaine au-delà des frontières nationales. Ils le font par l’entremise de notre centre de ressources et de nos webinaires et par la prestation de nos ateliers sur place en tant que formateurs invités. Les sites de conscience unissent également leurs efforts pour le développement d’initiatives régionales et mondiales telles que Femmes de conscience et les Dialogues nationaux sur l’immigration. Nous espérons que d’autres sites canadiens se joindront au mouvement. Pour un supplément d’information sur l’adhésion, voir le site https://www.sitesofconscience.org/fr/adhesion/.

2019-09-01T15:32:16-04:00septembre 1st, 2019|Newsletters-FR|